Stephane Guérin est un étudiant du cours de eMarketing. Il me pose une question simple d'apparence mais qui s'avère, à l'examen, être une colle intéressante.
En bref -- Stéphane écrit un billet dans lequel il parle de l'utilisation des blogs corporatifs dans le contexte des activités de marketing. Un de ses lecteurs, Marc Snyder, consultant en relations publiques, écrit ici que:
Premièrement, si le titre du billet parle de marketing, le texte parle de toutes sortes de choses mais surtout d'objectifs de relations publiques.
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Donc quand Stéphane parle de «créer des liens», «solidifier une communauté», «des nouvelles commentées de l’industrie», «un article expliquant une nouvelle technologie", «crée(r) de l’excellent contenu pour les outils de recherche», «apporte(r) une dimension humaine à l’entreprise», on voit bien que l'on est dans le domaine des relations plutôt que dans le domaine du marketing
Ma première réaction est de dire que les activités couvertes par les relations publiques sont habituellement considérées comme étant un sous-ensemble des activités marketing. L'activité marketing consiste à créer de la valeur auprès d'une cible, pour le bénéfice des parties (cible et parties prenantes de l'organisation), et ces objectifs sont réalisés en articulant au mieux les variables du mix, dont fait partie la communication.
Les activités de communication étaient avant l'internet, simplement catégorisées approximativement comme suit: (1) publicité (communication commerciale de masse), (2) vente (communication commerciale un-sur-un), (3) relations publiques.
La question intéressante est de savoir si un blog corporatif est assimilable à une activité de relation publique, à une activité publicitaire, ou les deux à la fois, selon les circonstances.
La distinction entre relations publiques et publicité n'est pas uniquement sémantique et destinée à générer des questions d'examen. Les activités publicitaires sont nettement plus réglementées que les communications de relations publiques. La raison est bien simple. En général, avant Internet, les activités de relations publiques étaient destinées aux journalistes, au personnel politique, aux actionnaires ou à d'autres publics institutionnels, i.e. des publics présumés compétents pour interpréter le contenu des communications. Ces communications font parfois l'objet de règles spécifiques (elles peuvent être obligatoires comme les rapports annuels aux actionnaires, ou soumises à des codes de déontologie dans le cas des relations avec les pouvoirs publics), mais de manière générale, les activités de relations publiques sont considérées comme l'exercice du droit à la libre expression (free speech) corporative.
Dans le cas de la publicité, les lois visant à protéger le consommateur font que l'annonceur est tenu de s'identifier, que les faits ne doivent pas être trompeurs (et le fardeau de la preuve n'est pas factuel -- un message factuellement vrai mais donnant lieu à des interprétations fausses pourrait contrevenir à la loi). Dans certains cas, toute forme de publicité est interdite (par exemple, celle visant les enfants. Ou celle faite pour un membre d'une corporation professionnelle comme un médecin, avocat, etc.)
Bref -- pour le moment je ne saurais pas dire si un blog sera considéré comme de la publicité ou comme l'exercice du droit de s'exprimer. Je serais prudent avant de faire un blog destiné aux enfants. Je serais prudent si je devais conseiller un membre de corporation professionnelle sur la contenu d'un blog (ex: un avocat québécois qui publie un blog devrait éviter les billets du genre -- un spécial cette semaine sur la rédaction des mises en demeure). Je serais également prudent en tout ce qui concerne la récupération par une entreprise d'un outil de communication qui est perçu comme étant hors de son contrôle.
Si un lecteur informé avait de l'expertise à contribuer, je le remercie d'avance.
Ma réponse est ici: http://emm-ess.blogspot.com/2007/05/blogues-corporatifs-et-marketing-rponse.html
Posted by: Marc Snyder | May 01, 2007 at 08:06 PM
Bien que non spécialiste des questions juridiques, ma contribution visera à clarifier certains points et corriger certaines inexactitudes relevés à la lecture de votre message précédent. Notez que ce texte ne constitue pas un avis juridique. Il n'est que le fruit de ma compréhension des différentes causes auxquelles vous semblez faire référence sans les citer.
Vous écrivez: «Bref - pour le moment je ne saurais pas dire si un blog sera considéré comme de la publicité ou comme l'exercice du droit de s'exprimer.»
Cette phrase ainsi que la structure de votre texte laissent croire que la publicité, selon vous, ne relève pas du droit à la liberté d'expression, mais que les relations publiques en relèveraient. Soyons clair, la publicité relève du droit à la liberté d'expression. Cependant, la publicité ne fait pas partie de ce qu'il est convenu d'appeler le « coeur » du droit à liberté d'expression. (RJR-MacDonald Inc. c. Canada (Procureur général), [1995] 3 R.C.S. 199) C'est d'ailleurs un des points qui fait que la Cour suprême a éprouvée moins de réticence à restreindre le droit à la liberté d'expression dans le cas de la publicité. Quant aux relations publiques, je ne sais pas si des jugements ont été rendus afin de savoir celles-ci font partie du coeur du droit à la liberté d'expression. Voici cependant ce que la Cour considère être les valeurs fondamentales du droit à la liberté d'expression:
«Les demandes touchant la liberté d'expression doivent être examinées en fonction du lien relatif qu'elles ont avec des valeurs encore plus fondamentales, dont la découverte de la vérité dans les affaires politiques et dans les entreprises scientifiques et artistiques, la protection de l'autonomie et de l'enrichissement personnels et la promotion de la participation du public au processus démocratique. Lorsque les mesures gouvernementales menacent ces valeurs, elles doivent être examinées rigoureusement. Lorsque l'expression en cause s'écarte beaucoup de l'«essence» des valeurs de la liberté d'expression, le critère de justification appliqué peut être moins rigide.» (RJR-MacDonald Inc. c. Canada (Procureur général), [1995] 3 R.C.S. 199)
Les activités de relations publiques sont-elles soumises à une application rigide du concept de liberté d'expression ? Quels critères seraient appliqués ? Les relations publiques font-elles partie des valeurs fondamentales du droit à la liberté d'expression ?
Vous écrivez : « Dans certains cas, toute forme de publicité est interdite (par exemple, celle visant les enfants [...]).»
Ceci est faux. En fait, ce n'est vrai que dans la mesure ou vous avez défini la publicité comme une «communication commerciale de masse». Pour citer la Cour Suprême : «En fait, la publicité éducative non commerciale destinée aux enfants est permise.» (Irwin Toy Ltd. c. Québec (Procureur général), [1989] 1 R.C.S. 927). Bien que ce jugement ait été rendu en 1989, je ne crois pas que le temps, ni même l'arrivée d'Internet, ait sensiblement modifié le raisonnement qui a permis à la Cour d'en arriver à cette conclusion. Plus loin dans ce même jugement, la Cour affirme : «Cela signifie simplement que les annonceurs devront inventer de nouvelles stratégies de commercialisation des produits pour enfants. » À vous maintenant de tirer vos conclusions sur la légalité d'un blogue destiné aux enfants.
Je pourrais poursuivre l'explication, mais ce qui est écrit précédemment suffit pour corriger votre texte précédent sans se lancer dans des concepts juridiques et des explications sur le raisonnement de la Cour et la jurisprudence relaticves à ces causes. J'espère que les références aux jugements permettront aux gens désireux d'en savoir plus d'aller directement lire les interprétations de la loi faite par la Cour suprême.
Posted by: Martin Bouchard | June 07, 2007 at 08:40 AM